Naissance du mouvement

 

C'est en 1824, à Philadelphie en Pennsylvanie, qu'Henri Grew (1781-1862) condamne la Trinité dans Examen du témoignage divin au sujet de la personne du fils de Dieu. Il écrit aussi (publié anonymement à l’époque) un livre sur la question de l’immortalité de l’âme. Ce dernier ouvrage influence grandement Georges Storrs.

 

Georges Storrs (1796-1879) publie le titre The Bible Examiner à Brooklyn, New York, dans lequel, lui aussi, nie la Trinité. Il est  poussé à approfondir ce que la Bible dit de la condition des morts en lisant Grew. George Storrs devient un ardent défenseur de ce que l’on a nommé l’immortalité conditionnelle: l’enseignement selon lequel l’âme est mortelle et l’immortalité un don que recevront les chrétiens fidèles. Puisque les méchants n’ont pas l’immortalité, il n’y a pas de tourments éternels. Il réédite en 1853 le livre d’Aaron Ellis Bible Vs. Tradition paru en Angleterre. Il voyage beaucoup, donne des discours dans lesquels il explique qu’il n’y a pas d’immortalité pour les méchants. Au nombre des œuvres qu’il publie figurent les Six Sermons, qui sont diffusés à 200 000 exemplaires. Il ne fait aucun doute que les idées de George Storrs sur la mortalité de l’âme ainsi que sur la propitiation et le rétablissement ont une influence considérable et décisive sur le jeune Charles Russell.

   

Charles Taze Russell (1852-1916) naît le 16 février 1852 aux États-Unis, à Allegheny (ville de Pennsylvanie qui fait aujourd’hui partie de Pittsburgh). Il est le deuxième fils de Joseph et d’Ann Eliza (née Birney) Russell, presbytériens et de souche écosso-irlandaise. Sa mère meurt quand il a neuf ans, mais, tout jeune, Charles est influencé par son père et sa mère, très croyants l’un et l’autre. Charles est élevé dans la religion presbytérienne, mais par la suite il se joint à l’Église congrégationaliste, parce qu’il en préfère les idées.[1]

 

Le jeune Charles est à l’évidence doué pour le commerce. Il a à peine 11 ans quand il devient l’associé de son père qui tient un magasin de vêtements masculins. Ayant agrandi l’affaire, il finit par gérer lui-même plusieurs autres magasins. Cependant, c’est un jeune homme bien troublé. Ses parents, qui croient sincèrement aux credos des religions chrétiennes, l’ont élevé de sorte qu’il les accepte aussi. Enfant, Charles a donc appris que Dieu est amour, mais que, par ailleurs, il a créé les humains avec une nature immortelle et prévu un feu dans lequel il infligerait des tourments éternels à tous sauf à ceux qui avaient été prédestinés pour être sauvés, selon les croyances protestantes. Arrivé à l’adolescence, Charles est révolté à cette idée. Il se dit qu’ « un Dieu qui utilise sa puissance pour créer des êtres humains en les prédestinant aux tourments éternels ne peut être ni sage, ni juste, ni plein d’amour et que Ses principes sont donc inférieurs à ceux de bien des hommes. »[2] Charles Russell n’est pourtant pas du tout athée; seulement, il ne peut pas accepter les enseignements des Églises tels qu’ils sont communément compris. Il explique: « Peu à peu, j’ai été amené à constater que les credos, tout en contenant certains éléments de vérité, étaient dans leur ensemble trompeurs et en contradiction avec la Parole de Dieu. »[3] Se détournant donc des credos des Églises, Charles Russell étudie quelques grandes religions orientales, ce qui ne lui apporte aucune satisfaction.

  

Charles cherche toujours la vérité quand, un soir de 1869, il se passe quelque chose qui raffermit sa foi chancelante. À Allegheny, alors qu’il passe dans Federal Street, près de l’établissement Russell, il entend un chant religieux provenant d’un sous-sol. Voici les faits tels qu’il les raconte: « Un soir, comme par hasard, j’entrai dans une salle poussiéreuse et mal éclairée où, m’avait-on dit, se tenaient des services religieux. C’était pour voir si la poignée de personnes qui s’y réunissaient avait quelque chose de plus sensé à offrir que les credos des grandes religions chrétiennes. C’est là que, pour la première fois, j’ai eu connaissance de certaines des idées des adventistes [Église chrétienne de l’avènement]; le prédicateur était M. Jonas Wendell (...). J’avoue donc que je suis redevable aux adventistes ainsi qu’à d’autres groupements religieux. Bien que son exposé biblique ne fût pas tout à fait clair, (...) il n’en fallut pas plus, sous l’action de Dieu, pour raffermir ma foi chancelante dans l’inspiration divine de la Bible, et pour me montrer que les récits des apôtres et des prophètes forment un tout indissoluble. Ce que j’entendis me fit reprendre ma Bible afin de l’étudier avec plus de zèle et de soin que jamais, et je remercierai toujours le Seigneur de m’avoir guidé dans ce sens; car, bien que l’adventisme ne m’ait pas apporté une vérité en particulier, il m’a grandement aidé à désapprendre les erreurs, et de ce fait m’a préparé pour la Vérité. »[4]

  

Cette rencontre ravive chez le jeune Charles la détermination à rechercher la vérité biblique. Elle lui fait reprendre sa Bible et s’y replonger avec plus d’ardeur que jamais. Il en vient rapidement à croire qu’on n’est pas loin du moment où ceux qui servent le Seigneur arriveraient à une connaissance claire de son dessein. C’est pourquoi, en 1870, débordant d’enthousiasme, avec quelques amis de Pittsburgh et d’Allegheny, il forme une classe d’étude biblique et fonde le premier groupe des Étudiants de la Bible. D’après l’un de ses premiers collaborateurs, la classe se déroulait comme suit: « L’un d’eux soulevait une question. Ils en discutaient. Ils prenaient tous les versets qui se rapportaient au sujet, puis, lorsqu’ils étaient satisfaits quant à l’harmonie de ces textes, ils formulaient leur conclusion et la mettaient par écrit. »[5]

 

Comme Charles Russell le reconnaît plus tard, la période comprise « entre 1870 et 1875 a été un temps de croissance constante en grâce, en connaissance et en amour de Dieu et de sa Parole »[6]. Les recherches fouillées effectuées par le groupe Russell amènent ceux qui le composent à certaines conclusions théologiques partagées:  l’âme humaine est mortelle, l’immortalité est un don que reçoivent ceux qui deviennent cohéritiers avec Christ dans son Royaume céleste [7], la doctrine du sacrifice rédempteur de Jésus Christ offrant à l’humanité la possibilité de la vie éternelle est une pierre angulaire du christianisme [8], Jésus est venu une première fois sur terre en tant qu’homme dans la chair, par contre, à son retour, il serait présent invisiblement en tant que personne spirituelle [9], le but du retour de Jésus ne serait pas de détruire tout le monde, mais de bénir les familles obéissantes de la terre[10]. «Nous étions navrés de l’erreur des adventistes, qui attendaient le Christ dans la chair et enseignaient que le monde et ses habitants, à l’exception d’eux-mêmes, seraient consumés » écrit Charles Russell [11].

    

En janvier 1876, Charles Russell reçoit un exemplaire d’un périodique religieux adventiste intitulé Herald of the Morning dont le rédacteur en chef est Nelson Barbour, de Rochester (New York). Charles Russell constate qu’il expose que le but du retour du Christ n’est pas de détruire les familles de la terre, mais de les bénir, et que sa venue ne serait pas dans la chair, mais en tant qu’esprit [12]. Or c’est ce que croient depuis quelque temps lui et ses compagnons d’Allegheny. Jusque-là, Charles Russell ne s’est pas arrêté sur les prophéties chronologiques de la Bible. Mais, à présent, il se pose des questions. « Se pouvait-il que les prophéties chronologiques, que j’avais négligées si longtemps parce que les adventistes s’en servaient à mauvais escient, aient été données pour indiquer quand le Seigneur serait invisiblement présent afin d’établir son Royaume? »[13]

  

Charles Russell obtient un rendez-vous avec Nelson Barbour à Philadelphie. Cette rencontre confirme qu’ils s’accordent sur de nombreux points et leur donne l’occasion d’échanger leurs vues théologiques. Charles Russell commente : « À notre première rencontre, je lui ai beaucoup appris sur la plénitude du rétablissement fondé sur la valeur de la rançon donnée pour tous, de même qu’il m’a beaucoup appris au sujet de la chronologie. »[14] Nelson Barbour réussit à convaincre Charles Russell que la présence invisible du Christ avait commencé en 1874. « Savoir que nous étions déjà dans la période de la moisson m’a donné pour répandre la Vérité un élan comme jamais je n’en avais eu. J’ai donc aussitôt décidé de lancer une campagne énergique en faveur de la Vérité. »[15]

 

En effet, Charles décide à ce moment là de réduire ses activités commerciales afin de se consacrer à la prédication. Il écrit la brochure « The Object and Manner of Our Lord's Return » qu'il fait paraître en 1877. La même année, Nelson Barbour et Charles Russell font paraître conjointement « Three Worlds, and the Harvest of This World ». Pour Russell ce livre est « le premier à associer l’idée de rétablissement à celle de prophétie chronologique. »[16] Il avance l’hypothèse selon laquelle la présence invisible de Jésus Christ remontait à l’automne 1874 et l’intervention du Seigneur dans le royaume des humains surviendrait en 1914. Il relance la publication du Herald, qui avait été suspendue à cause de résiliations d’abonnements et faute d’argent. Mais, dans le numéro d’août 1878 du Herald of the Morning, Nelson Barbour écrit un article niant que la mort du Christ ait une quelconque valeur substitutive. Charles Russell comprend que cela revient en fait à renier la partie essentielle de la doctrine de la rançon. Aussitôt, dans le numéro suivant (septembre 1878), il écrit un article intitulé « La Rédemption », dans lequel il défend la rançon et réfute les affirmations de Nelson Barbour. La polémique continue dans les pages du journal pendant les quelques mois qui  suivent. Finalement, Charles Russell décide de rompre ses relations avec Barbour et de ne plus soutenir financièrement le Herald.[17]

  

En juillet 1879, il lance la publication de la Zion's Watch Tower and Herald of Christ's Presence, aujourd'hui La Tour de Garde annonce le Royaume de Jéhovah.[18] Charles Russell en est le rédacteur en chef et l’éditeur, aidé de cinq personnes dont les noms figurent dans la liste des rédacteurs. Le premier numéro est tiré à 6000 exemplaires. Dès le second numéro, Charles Russell affirme : « La Tour de garde de Sion a, nous le croyons, JÉHOVAH comme soutien, et tant qu’il en sera ainsi, elle ne demandera ni ne sollicitera jamais l’appui des hommes. Quand Celui qui dit : « Tout l’or et tout l’argent des montagnes sont à moi », ne daignera plus pourvoir aux fonds nécessaires, nous comprendrons que le moment est venu d’en suspendre la parution » [19].

  

Dans différents articles de La Tour de Garde, il affirme sa croyance en un Dieu unique clairement identifié et nommé. En juillet 1882, il publie un article intitulé : « Écoute, Ô Israël ! , Jéhovah ton Dieu est Un-Jéhovah »[20], réaffirmant la tradition juive du christianisme des premiers temps et réfutant la doctrine de la Trinité. Le mois suivant, un article complémentaire explique que le nom de Dieu, Jéhovah, ne peut être appliqué qu’à Lui-même et pas à Jésus-Christ, le Fils. « C’est avec confiance que nous affirmons que dans les Écritures le nom de Jéhovah n’est jamais appliqué à nul autre qu’au Père. (…) Le Psaume 110 : 1 (Da) [Darby] déclare : « L’Éternel (Jéhovah) a dit à mon Seigneur (adon – maître) : Assieds-toi », etc. Lisez attentivement comment ce passage est appliqué par Jésus (Luc 20 : 41-44) et par Pierre (Actes 2 : 34-36, 33). A lui seul, ce texte suffit (…). »[21]  En janvier 1885, un autre article antitrinitaire paraît, intitulé « Pour nous, il y a un Dieu »[22]. En juin 1885, Charles Russell écrit : « Le dogme de la Trinité, une idée tellement absurde que son absurdité est prise comme preuve de son origine divine, alors que pas un seul texte des Écritures ne peut être cité pour la soutenir »[23]. Enfin, un article très étayé bibliquement parait dans La Tour de Garde en 1907[24].

 

Il reconnaît que les doctrines qu’il expose, dans un corpus théologique original, ont déjà été abordées par d’autres. « Nous avons constaté que depuis des siècles divers groupes et sectes se répartissent les doctrines bibliques, en y mêlant plus ou moins de spéculation et d’erreur humaines (...). Nous avons constaté que l’importante doctrine de la justification par la foi et non par les œuvres avait été clairement énoncée par Luther, et plus récemment par de nombreux chrétiens; que la justice, la puissance et la sagesse divines ont été soigneusement gardées, quoique mal discernées, par les presbytériens; que les méthodistes appréciaient et louaient l’amour et la compassion de Dieu; que les adventistes possédaient la doctrine du retour du Seigneur; que les baptistes, entre autres choses, définissaient correctement la signification symbolique du baptême, même s’ils avaient perdu de vue le vrai baptême; que certains universalistes avaient depuis longtemps quelques vagues notions du ‘rétablissement’. Et ainsi de suite, presque tous ces groupes donnaient la preuve que leurs fondateurs avaient aspiré à la vérité: mais manifestement le grand Adversaire avait lutté contre eux et, à défaut de pouvoir la détruire complètement, avait dispensé faussement la Parole de Dieu. » « Notre travail (...) a été de rassembler ces fragments de vérité épars depuis longtemps et de les présenter au peuple du Seigneur — en précisant que ces vérités ne sont ni nouvelles, ni personnelles, mais sont celles du Seigneur. (...) Nous n’avons pas à nous attribuer le mérite d’avoir trouvé et réordonné les joyaux de vérité. » « L’œuvre dans laquelle il a plu au Seigneur d’employer nos humbles talents a moins été un travail de défrichement qu’un travail de rassemblement, de reconstruction, d’ajustement et de mise en harmonie. »[25]

 

Fort de ce corpus de doctrines qu’ils continuent à approfondir, les Étudiants de la Bible de Pittsburgh se réunissent régulièrement. Mais Charles Russell désire développer son mouvement afin de faire connaître la foi chrétienne telle que lui et son groupe la comprennent. Dans les numéros de La Tour de Garde  de mai et de juin 1880, Charles Russell  annonce son projet de se rendre dans plusieurs villes de Pennsylvanie, du New Jersey, du Massachusetts et de l’État de New York. « Nos lecteurs sont très éparpillés: en certains endroits ils sont 2 ou 3, en d’autres jusqu’à 50. Bien souvent, ils ne se connaissent pas du tout entre eux; ils se privent donc du soutien et du réconfort qu’ils devraient recevoir, selon l’intention de notre Père, ‘en s’assemblant comme c’est la coutume de quelques-uns’. Son dessein est de nous voir ‘nous édifier mutuellement’, et nous stimuler les uns les autres dans la très sainte foi. Notre souhait en proposant ces réunions est qu’elles permettent de nous connaître les uns les autres. »[26]

 

Rapidement, plusieurs classes, ou ecclésias (plus tard appelées congrégations), se forment dans ces régions, ainsi que dans l’Ohio et le Michigan. La première congrégation à établir sur elle Charles Russell comme pasteur par vote est celle de Pittsburgh[27]. Ensuite, 500 autres congrégations le désignent comme leur pasteur, toujours par vote, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. La classe de Pittsburgh institue la coutume de se réunir au moins deux fois par semaine. L’une de ces réunions consiste souvent en un culte sous la forme d’un discours prononcé par un orateur capable à l’adresse de toute l’ecclésia, souvent dans une salle louée. Par contre, aux autres réunions, que l’on tient généralement dans des foyers, les assistants sont invités à apporter Bible, concordance, papier et crayon, et à participer dans une ambiance chaleureuse et amicale, empreinte de spiritualité.

  

En 1880, les membres des classes commencent à diffuser gratuitement au public les Bible Students’ Tracts (également appelés plus tard Old Theology Quarterly [Cahiers trimestriels de théologie ancienne]). Les prédicateurs pressent les gens de se libérer non seulement de l’Église catholique, mais aussi des grandes religions protestantes. « Sortez du milieu d’elle, mon peuple », de « Babylone la Grande, la mère des impudiques et des abominations de la terre »[28]« Car ses péchés se sont accumulés jusqu’au ciel, et Dieu s’est souvenu de ses iniquités. »[29]. Martin Luther et d’autres réformateurs disaient que l’Église catholique et sa papauté constituaient Babylone la Grande.  A part le rejet de la primauté du pape, les Églises protestantes auxquelles la Réforme a donné naissance ne diffèrent pas tellement du catholicisme quant à la structure religieuse, et elles conservent des doctrines non bibliques comme la Trinité, l’immortalité de l’âme et les tourments éternels.

 

A partir de 1886, avec la parution du premier tome Le divin Plan des Âges, Charles Russell commence à écrire son œuvre majeure en six tomes L’Aurore du Millénium [30]. Il a la conviction que la Bible est la Parole infaillible de Dieu et que ses enseignements sont forcément harmonieux. Par conséquent, si une partie quelconque de la Bible est difficile à comprendre, elle doit être éclairée et interprétée par une autre partie de la Parole inspirée [31]. Quand il présente des explications, il n’essaie pas de les étayer avec le témoignage de théologiens contemporains ou avec les idées des Pères de l’Église[32]. Ainsi, il  écrit dans le premier tome de L’Aurore du Millénium : « Nous croyons que c’est un défaut commun à notre temps et aux âges précédents d’admettre certaines doctrines pour la simple raison que d’autres, en lesquels on avait confiance, le firent. (...) Les chercheurs de vérité devraient vider leurs vases des eaux bourbeuses de la tradition, [et] les remplir à la source de la vérité — la Parole de Dieu. »[33]

 

Les Étudiants de la Bible d’Allegheny, qui collaborent à la publication de La Tour de Garde, sont considérés comme ceux qui ont le plus d’expérience dans l’œuvre du Seigneur, et toutes les ecclésias, ou congrégations, les regardent comme étant à la tête [34]. Au début, ils ont  leur siège à Pittsburgh, 101 Cinquième Avenue, et plus tard à Allegheny, 44 Federal Street. Mais à la fin des années 1880, ils ont besoin de plus de place. En 1889, un bâtiment en briques à quatre niveaux est acheté, 56-60 Arch Street à Allegheny. Il est baptisé La Maison de la Bible. Il  reste le siège de la Société biblique Watch Tower pendant 19 ans. Le 26 mars 1899, le Mémorial de la mort du Christ (ainsi que les Étudiants de la Bible appelle la Pâque chrétienne) est célébré par au moins 2500 participants en 339 réunions différentes.

 

La Watch Tower commence à envoyer aux congrégations des représentants itinérants pour garder le contact avec elles et les édifier spirituellement. A la fin des années 1890, on organise de grandes assemblées en divers endroits. Souvent, Charles Russell y donne des discours. Sur l’estrade, pour se présenter devant l’assistance, il porte toujours une redingote noire et une cravate blanche. Il commence toujours par s’incliner légèrement devant l’assistance. Il n’utilise toujours rien d’autre que la Bible, qu’il cite très souvent. Il s’exprime toujours avec son cœur et d’une manière très convaincante.

 

À l’aube du XXe siècle, Charles Russell et ses compagnons de route comprennent que la presse est un moyen efficace d’atteindre un vaste public. Par la suite, Charles Russell dira : « Les journaux sont devenus l’élément essentiel dans la vie quotidienne du monde civilisé. »[35] En 1904, les sermons de Charles Russell paraissent dans trois journaux [36]. Un article intitulé « L’évangélisation par la presse »[37] constate: « Des millions de sermons ont ainsi été répandus de tous côtés; et au moins quelques-uns ont été bénéfiques. Si le Seigneur le veut, nous serons heureux de voir cette ‘porte’ rester ouverte, ou même s’ouvrir encore plus grand. » En 1913, on calcule que par l’intermédiaire de 2000 journaux les sermons de Charles Russell ont atteint 15 millions de lecteurs des États-Unis, du Canada et d’Europe.

 

La Maison de la Bible à Allegheny devient trop petite. « Nous avons finalement conclu, après avoir recherché la direction divine, que Brooklyn (New York), qui comprend une importante population appartenant à la classe moyenne et qu’on appelle la ‘Ville aux églises’, sera, pour ces raisons, notre point central le plus pratique pour la moisson durant les quelques années qui restent. »[38] En 1908, Joseph Rutherford, le conseiller juridique de la Watch Tower, est envoyé à New York pour acheter le vieux « Béthel de Plymouth » à Brooklyn, 13-17 Hicks Street. C’était une mission de l’Église congrégationaliste du quartier, où Henry Beecher avait été pasteur. Le bâtiment est rebaptisé «  Le Tabernacle de Brooklyn ».  Les Étudiants de la Bible achètent aussi l’ancien presbytère de Henry Beecher, maison de quatre niveaux en grès au 124 Columbia Heights, [39] quelques rues plus loin, qui prend le nom de « Béthel »[40].

 

En 1912, Charles Russell et son groupe se lancent dans une entreprise extraordinaire pour l’époque : le « Photo-Drame de la Création ». Il s’agit d’une projection combinée d’un film et de vues fixes, synchronisée avec des enregistrements musicaux et des discours phonographiques. Cette présentation saisissante emporte les spectateurs dans un voyage à travers le temps, depuis l’époque de la création jusqu’à la fin du Millénium.  Cette projection, divisée en quatre parties, dure huit heures. Le public est subjugué par cette surprenante et magnifique réalisation. À la fin de 1914, des millions de personnes avaient vu le Photo-Drame en Amérique du Nord, en Europe, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Cette même année, le tirage de La Tour de Garde atteint presque 50 000 exemplaires par numéro.

 

Depuis des dizaines d’années, Charles Russell et ses compagnons proclament que les temps des Gentils s’achèveraient en 1914. Charles Russell avait critiqué ceux qui avaient fixé diverses dates pour le retour du Seigneur, tels William Miller et certains groupes adventistes. Toutefois, depuis l’époque de sa collaboration avec Nelson Barbour, il est convaincu qu’il existe une chronologie exacte, fondée sur la Bible, et qu’elle indique 1914 comme date de la fin des temps des Gentils[41]. À l’approche de cette année importante, l’attente est grande chez les Étudiants de la Bible. Quand la Première Guerre mondiale éclate en 1914, The World, un grand journal new-yorkais de l’époque, fait cette remarque dans sa page du dimanche: « L’effroyable guerre qui vient d’éclater en Europe accomplit une prophétie extraordinaire. (...) ‘Attention à 1914!’ tel a été le cri des centaines d’évangélisateurs itinérants qui, représentant cet étrange credo [ayant un lien avec Charles Russell], ont sillonné le pays pour exposer la doctrine selon laquelle ‘le Royaume de Dieu est proche’. »[42]

 

Et même si tout ce qu’a annoncé le pasteur Russell ne se produit pas, il n’en reste pas moins que cette date de 1914 marque pour toujours l’histoire des hommes comme le début de l’ère de la guerre totale [43]. En ce sens, le pasteur ne s’est pas complètement trompé.

 

Deux ans plus tard, Charles Russell meurt en route pour Pampa, au Texas, le mardi 31 octobre 1916 [44]. Il laisse derrière lui une grande organisation d’Étudiants de la Bible qui se sentent orphelins de leur pasteur [45]. Charles Russell mort, son œuvre lui survit néanmoins et avec elle son corpus théologique original.

 

L’assemblée générale extraordinaire du 6 janvier 1917 doit élire le nouveau président par intérim. Joseph Franklin Rutherford  (1869-1942) est élu à l’unanimité. Il est issu de parents baptistes, fermiers dans le Missouri. Il travaille pour payer ses études de droit. Il fait ensuite un stage de deux ans au cabinet du juge Edwards. Il devient ensuite greffier près les tribunaux de la Quatorzième Circonscription judiciaire du Missouri. Il est ensuite admis au barreau de l’Etat du Missouri et ouvre une étude d’avocat à Boonville pour la Maison Draffen & Wright. Plus tard, et pendant quatre ans, il est procureur général de Boonville puis devient juge spécial de la Quatorzième Circonscription. Il exerce le droit pendant 15 ans et plaide devant la Cour suprême des Etats-Unis à Washington. En 1906, il s’était fait baptiser Étudiant de la Bible et devient l’avocat de la Société biblique Watch Tower en 1907.

 

Le président Rutherford est d’un caractère très différent de celui du pasteur Russell qu’il remplace. Autant Charles Russell restait toujours aimable, chaleureux et plein de tact dans ses relations avec tous, autant Joseph Rutherford peut être brusque et direct. Son enfance dans une ferme et sa formation et son expérience d’avocat n’y sont peut-être pas pour rien.

 

Toujours est-il que le nouveau président se fait rapidement des ennemis et notamment Paul Johnson, l’un des mandataires de Charles Russell. C’est un homme très brillant, d’origine juive, converti au protestantisme pour devenir pasteur luthérien, il devient ensuite Étudiant de la Bible et collabore étroitement avec le pasteur Russell qui apprécie énormément ses qualités d’orateur. Cet érudit biblique pense que la succession du pasteur lui revient logiquement comme « le manteau du prophète Élie était tombé sur Élisée », allusion au récit de la Bible relatant la succession du grand prophète [46]. Beaucoup croient que Charles Russell était ce « serviteur fidèle et prudent, que son maître a  établi sur ses gens » désigné par Jésus dans les Évangiles [47] et que, par suite, il est normal qu’il ait un successeur. Paul Johnson refuse l’élection de Joseph Rutherford et écrit aux congrégations pour les en informer. Certains Étudiants de la Bible le soutiennent. Mais, l’assemblée générale annuelle du 5 janvier 1918 confirme définitivement à son poste de président. En conséquence, Paul Johnson et son groupe quittent les rangs des Étudiants de la Bible. Plusieurs groupes dissidents naissent de cette rupture.

 

Paul Johnson fonde son propre mouvement à Philadelphie [48]. En France, il sera connu comme le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque [49].

 

Joseph Rutherford, désormais président confirmé de la Société biblique Watch Tower, veut se mettre immédiatement à l’ouvrage. Cependant, du fait de l’attitude non-violente des Étudiants de la Bible et de leur refus de participer aux conflits armés, alors même que la première guerre mondiale fait rage et que les États-Unis s’y sont engagés après le torpillage du Lusitania en 1915, les membres du Bureau central sont arrêtés et lourdement condamnés à 20 ans de prison chacun pour sédition [50]. Joseph Rutherford est du nombre et purge environ un an de prison au pénitencier fédéral d’Atlanta avant que lui et ses collaborateurs soient relaxés, innocentés puis totalement réhabilités dès la fin de la guerre.

 

A travers tout le pays, les Étudiants de la Bible connaissent de graves difficultés pour ces mêmes raisons d’objection de conscience à la guerre. Dès sa libération, Joseph Rutherford et ses proches collaborateurs commencent par réorganiser le Bureau central de Brooklyn. Pour consoler les membres des congrégations très affectés par les situations extrêmement pénibles qu’ils viennent de vivre, le nouveau président porte à une centaine le nombre des « frères pèlerins » (les représentants itinérants du Bureau central de Brooklyn) afin de visiter plus d’un millier de congrégations. Pour ensuite relancer l’œuvre de prédication dans les ecclésias, ralentie par les années de guerre, les persécutions, la crise suscitée par la mort du pasteur Russell et le départ de Paul Johnson, les « colporteurs » ( « pionniers » ou prédicateurs bénévoles à plein temps) dans les congrégations passent à environ 460. En outre, un programme de formation d’orateurs publics est mis sur pied [51] et des réunions régionales sont organisées.

 

En 1919, une grande assemblée réunissant 6.000 Étudiants de la Bible des États-Unis et du Canada est tenue à Cedar Point dans l’Ohio. Un nouveau périodique paraît L’Age d’Or [52]. Mais alors que cette forte impulsion commence à porter ses fruits en terme de consolation, de réorganisation et d’évangélisation, et du fait même de cette impulsion, une nouvelle crise interne secoue les rangs des Étudiants de la Bible cette fois en Europe.

   

Le responsable du Bureau français fait défection. Alexandre Freytag le remplace. Adolphe Weber note alors que la traduction de La Tour de Garde produite par le nouveau responsable du Bureau français n’est pas fidèle à l’original anglais. Alexandre Freytag,  avec La Tour de Garde d’avril 1919, fait apparaître son nom en deuxième page, non plus comme responsable du Bureau mais comme rédacteur. Enfin, en septembre 1919, il écrit dans la Tour de Garde que c’est désormais lui, à Genève, qui donne la vérité biblique en tant que « Messager du Seigneur ».

 

Joseph Rutherford réagit alors par une lettre publiée dans les colonnes de l’édition anglaise de La Tour de Garde d’octobre 1919 : « Chers frères en Christ, (…)  frère Russell installa, il y a plusieurs années, à Genève (Suisse) un bureau (…) et nomma le frère A. Freytag comme représentant local [mais] jamais il ne fut autorisé à publier un journal ou traité quelconque, ou à répandre des publications en dehors de ce qui fut écrit par frère Russell ou sous sa direction. (…) Son cas semble très grave, puisqu’il prétend maintenant que le Seigneur l’a désigné comme le messager spécial qui doit achever l’œuvre pour l’Église. (…) L’administration de la Watch Tower Bible and Tract Society  a [donc] prononcé sa déposition et lui a enlevé toutes les affaires relatives [au bureau] de langue française (…). » Un remplaçant est ensuite nommé.

 

Il semble que cette séparation soit assez pénible pour tout le monde, et les deux parties campant sur leurs positions, il faut avoir recours à la justice pour que les biens de la Watch Tower soient remis au nouveau responsable légal.

 

Ceux qui suivent Alexandre Freytag, et qui voient en lui le nouveau « serviteur fidèle et prudent », le successeur divinement désigné de Charles Russell, fondent en Suisse leur propre groupe, distinct des Étudiants de la Bible, qu’ils appellent « Les Amis de l’Homme », mouvement chrétien antitrinitaire toujours présent en France aujourd’hui [53].

 

L’année 1919 marque le début d’une importante réorganisation du mouvement des Étudiants de la Bible. L’activité de prédication est désormais organisée sous la forme de l’évangélisation domiciliaire, alors que jusqu’à présent elle se faisait plus particulièrement à la sortie des temples et des églises. Pour coordonner cette nouvelle forme d’activité, tout autant qu’éviter l’émiettement du mouvement, émiettement qui a déjà commencé avec les départs de Paul Johnson et de Alexandre Freytag, un représentant du Bureau central est directement nommé dans chaque congrégation qui en fait expressément la demande [54]. Parallèlement, le Bureau central des Étudiants de la Bible lance un appel à l’unité mondiale des congrégations.

 

Dans cet esprit, Joseph Rutherford, à l’exemple du pasteur Russell, entame une grande tournée à travers le monde : Grande-Bretagne, Egypte, Palestine. Un Bureau central européen est créé à Zurich pour superviser l’œuvre en divers pays d’Europe : Suisse, France, Belgique, Hollande,  Allemagne, Autriche et Italie. En outre, un bureau est installé à Ramallah en Palestine. Seize autres Bureaux sont créés à travers le monde en Afrique du Sud, Inde, Australie, Corée, Canada et Amérique du Sud.

 

Le Bureau central de Brooklyn décide, étant donné l’augmentation des tirages et des coûts, que la Société biblique Watch Tower imprimera désormais elle-même ses publications. Des fidèles se portent volontaires pour ce travail complètement bénévole [55]. La Famille du Béthel, c’est ainsi qu’on les appelle, passe à une centaine de membres. A part La Tour de Garde et L’Age d’Or, d’autres ouvrages bibliques sont édités au fil des années : La Harpe de Dieu (1921) qui réaffirme le corpus théologique défini par le pasteur Russell et les compagnons de son groupe d’étude biblique, Délivrance (1926), Création (1927), Réconciliation (1928), Gouvernement (1928). A partir de 1927, un Annuaire paraît chaque année pour informer l’ensemble des Étudiants de la Bible des progrès de leur œuvre désormais mondiale. La tradition des rassemblements annuels est renforcée et des assemblées locales, régionales, voire nationales ou internationales sont organisées pour garder le lien spirituel et la cohésion entre les membres des congrégations locales.

  

Dès 1924, les Étudiants de la Bible utilisent la radio pour diffuser leur message évangélique [56]. Cette année-là, plus de 65.000 personnes assistent au Mémorial à travers le monde. La prédication des Étudiants de la Bible commence cependant à susciter une vive opposition, moins de la part des Églises protestantes que de l’Action catholique, créée en 1920.

 

L’Action catholique prétend en effet que les Étudiants de la Bible troublent l’ordre public en se rendant aux domiciles des gens le dimanche matin. La grande crise économique  de 1929 accentue l’insécurité ambiante. Dès les années 30, des arrestations ont lieu. Un long et dur combat juridique commence pour que l’œuvre d’évangélisation domiciliaire soit finalement reconnue, en tant que telle, comme parfaitement légale. Cette œuvre spécifique de témoignage pour leur Dieu, Jéhovah, devient le label des Étudiants de la Bible. A tel point qu’en 1931, pour se donner une identité forte et pour couper court à toutes sortes de sobriquets qu’on leur donne,  15.000 membres actifs de la Société biblique Watch Tower prennent une résolution. Désormais, ils s’appelleront « Les Témoins de Jéhovah » [57]. A travers le monde, cette résolution est progressivement adoptée par l’ensemble des fidèles. Elle est ensuite reproduite dans une brochure intitulée Le Royaume, espérance du monde qui est distribuée à cinq millions d’exemplaires, et remise personnellement, lors d’une campagne spéciale de diffusion en octobre 1931, aux membres du clergé, aux élus et aux hommes d’affaires les plus importants.

 

Ce changement de nom s’accompagne en outre de la fin du système des anciens électifs. Désormais, un comité de service (recommandé par la congrégation locale mais nommé par le Bureau central de Brooklyn) dirigerait chaque congrégation locale [58]. Les Témoins de Jéhovah deviennent un groupe religieux minoritaire chrétien antitrinitaire organisé et dirigé à l’échelle mondiale.

 


[1] Annuaire des Témoins de Jéhovah - 1975, WTPE, p.35 : « Dès son jeune âge, Charles reçut ses premières impressions religieuses de ses parents, membres de l’Église presbytérienne. Plus tard, il s’affilia à l’Église congrégationaliste, qui possédait un temple dans son quartier, à cause de ses conceptions plus libérales. » 

[2] Annuaire des Témoins de Jéhovah 1975, WTPE, p. 35.

[3] Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 43.

[4] idem, pp.43-44. 

[5] Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 44.

[6] idem, p. 44

[7] SE, Ézéchiel 18, 20; Romains 2, 6-7.

[8] SE, Matthieu 20, 28.

[9] SE, Jean 14, 19.

[10] SE, Galates 3, 8.

[11] Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 45.

[12] idem, note, p. 46 : « Ni Nelson Barbour ni Charles Russell n’ont été les premiers à expliquer le retour du Seigneur comme une présence invisible. Beaucoup plus tôt, Isaac Newton (1642-1727) avait écrit que le Christ reviendrait et régnerait « invisible des mortels ». En 1856, Joseph Seiss, pasteur luthérien à Philadelphie (Pennsylvanie), avait écrit quelque chose à propos d’un second avènement en deux étapes: une parousia, ou présence, invisible, suivie d’une manifestation visible. Puis, en 1864, Benjamin Wilson avait fait paraître son Emphatic Diaglott où le mot parousia était traduit en interlinéaire par « présence » et non par « venue ». Un collaborateur de Nelson Barbour, B. Keith, lui avait signalé ce détail ainsi qu’à ses autres collaborateurs. »  

[13] Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 46.

[14] idem, pp. 46-47.

[15] ibidem, p. 47.

[16] ibid., p.47.

[17] Dans une lettre à Nelson Barbour datée du 3 mai 1879, Charles Russell donne ses raisons: « Il a surgi entre nous une divergence d’idées concernant l’enseignement de la parole de notre Père [au sujet de la valeur substitutive de la rançon]. Certes, je vous reconnais le mérite d’être tout à fait sincère et honnête dans votre point de vue, ce que je revendique pour moi dans mon point de vue contraire, mais je dois me laisser guider par la compréhension que j’ai de la parole de notre Père, et par conséquent penser que vous êtes dans l’erreur. (...) Les points de divergence me semblent si fondamentaux et importants que l’amitié et la sympathie entières qui devraient lier les rédacteurs et éditeurs d’un journal ou d’une revue ne peuvent plus exister entre vous et moi, et, dans ces conditions, je suis d’avis que nous devons mettre un terme à nos relations. »  Dans une lettre suivante, datée du 22 mai 1879, il écrit: « Dorénavant je vous laisse le Herald. Je m’en retire entièrement, ne demandant rien de vous (...). Veuillez annoncer dans le prochain numéro du Herald notre rupture et retirer mon nom. » À partir du numéro de juin 1879, le nom de Charles Russell comme rédacteur adjoint n’a plus figuré dans le Herald. Nelson Barbour continua de publier le Herald jusqu’en 1903, date à laquelle, selon les registres de bibliothèque disponibles, la parution a cessé. Nelson Barbour est mort quelques années après, en 1906.

[18]  L’expression Watch Tower n’est pas propre aux écrits de Charles Russell. Dans les années 1850, George Storrs publie un livre intitulé The Watch Tower: Or, Man in Death; and the Hope for a Future Life. Cette expression apparaît aussi dans le titre de divers périodiques religieux. Il est inspiré de l’idée qu’il faut rester aux aguets pour l’accomplissement des desseins de Dieu. SE, Ésaïe 21, 8, 11, 12;  Ézéchiel 3, 17; Habacuc 2, 1.

[19]  La Tour de Garde, WTPE, vol. I, n°2, août 1879, p.2.

[20]  La Tour de Garde, WTPE, vol. IV, n°1, juillet 1882, p.24.

[21]  La Tour de Garde, WTPE, vol. IV, n°2, août 1882, pp.2, 3.

[22]  La Tour de Garde, WTPE, vol. VI, n°5, janvier 1885, p.24. Cet article était écrit par W.M.C. Macmillan, un proche collaborateur de Charles Russell.

[23]  La Tour de garde, WTPE, vol. VI, n°10, juin 1885.

[24]  La Tour de garde, WTPE, 15 décembre 1907, « La Parole fut faite chair – Jean 1 :1-18 ». Charles Russell et son groupe d’Étudiants de la Bible publièrent cet article réfutant les arguments des trinitaires selon lesquels on trouve trace de la Trinité dans l’Evangile selon L’apôtre Jean, chapitre 1 peut-être pour répondre aux critiques suscitées par sa déclaration selon laquelle « pas un seul texte des Écritures ne peut être cité (…) pour soutenir [la trinité]. » Il reste vrai que le mot « trinité » n’apparaît pas une seule fois dans le texte évangélique, ni dans aucune partie du texte reçu de l’intégralité de la Bible.

[25] Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 49.

[26]  SE, Hébreux 10, 24-25 ; Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 50.

[27]  En 1882. Ce vote fut reconduit ensuite chaque année jusqu’à la mort du pasteur Russell.

[28]  SE, Apocalypse 17, 5; 18, 4.

[29]  SE, Apocalypse 18, 5.

[30] Tome II, Le Temps est proche (1889); tome III, Que ton règne vienne (1891); tome IV, Le Jour de la Vengeance (1897, plus tard intitulé La Bataille d’Harmaguédon); tome V, La Réconciliation de Dieu avec l’homme (1899); tome VI, La Nouvelle Création (1904). Cette série de livres de L’Aurore du Millénium a peu à peu été appelée Études des Écritures. Le nom Études des Écritures a été adopté dans les éditions à tirage restreint parues vers octobre 1904 en anglais, et cette nouvelle appellation s’est répandue davantage à partir de 1906.

[31] Charles Russell applique les Règles d’Isaac Newton  pour l’analyse méthodique des prophéties. «  (…) La destination des visions synchroniques est de s’éclairer réciproquement, et par conséquent, pour les déchiffrer sans forcer, il faut les ajuster les unes aux autres avec la plus grande diligence et le plus grand soin. C’est là véritablement expliquer l’Écriture par l’Écriture. » I. Newton, Écrits sur la religion, traduit de l’anglais, présenté et annoté par J.F. Baillon, collection Tel, Gallimard, Paris, 1996, p. 241. 

[32] I. Newton, Écrits sur la religion, traduit de l’anglais, présenté et annoté par J.F. Baillon, collection Tel, Gallimard, Paris, 1996, p.226 : « (…) Si tu désires découvrir la vérité, interroge les Ecritures toi-même, en les lisant souvent et en méditant en permanence sur ce que tu lis, tout en priant Dieu avec ardeur pour qu’il éclaire ton entendement. »  

[33] Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 54.

[34] Joseph Russell, le père de Charles, fait partie d’une classe d’étude biblique d’Allegheny. Il reste un proche collaborateur de son fils dans les activités de la Société biblique Watch Tower jusqu’à sa mort en 1897.

[35] Les Témoins de Jéhovah, prédicateurs du Royaume de Dieu, WTPE, 1993, p. 58.

[36] La Tour de Garde, WTPE,  1er décembre 1904 (édition anglaise).     

[37] La Tour de Garde, WTPE, 15 décembre 1904 (édition anglaise).               

[38] La Tour de Garde, WTPE, 15 décembre 1908 (édition anglaise).

[39] Plus tard, la Société biblique Watch Tower achètera le bâtiment attenant, au 122 Columbia Heights, pour agrandir le Béthel. En outre, en 1911, un autre bâtiment est ajouté à l’arrière du Béthel, où l’on aménage d’autres logements.

[40] La Tour de Garde, WTPE, 1er mars 1909 (édition anglaise). Béthel est un mot hébreu tiré de la Bible et qui signifie « Maison de Dieu » ;  SE, Genèse 28, 16-19.   

[41]  SE, Luc 21, 24. Les Gentils désignent les nations non-juives qui règnent sur la terre avec la permission de Dieu jusqu’à l’avènement du Christ et sa prise de pouvoir sur tous les royaumes du monde.

[42] The World Magazine, 30 août 1914.

[43] SE, Apocalypse 6, 4 ; Matthieu 24, 6-7. Charles Russel n’est pas le premier à chercher à connaître la date de la fin du monde et de l’avènement du Christ pour le rétablissement de toutes choses. Les adventistes l’avaient cherchée eux aussi. Mais d’autres encore avant eux. « (…) Dans les années 1670 et peut-être encore dans les années 1680, il [Isaac Newton] s’est livré à des calculs précis visant à déterminer, à partir des textes prophétiques de l’Ancien et du Nouveau Testament, la date de la fin du monde, conçue comme son anéantissement dans un grand cataclysme. » (I. Newton, Écrits sur la religion, traduit de l’anglais, présenté et annoté par J.F. Baillon, collection Tel, Gallimard, Paris, 1996, Présentation, p.29). Déjà au premier siècle, les Apôtres posent la question : « Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ? » SE, Matthieu 24, 3.

[44] « Mort du fondateur des « Témoins de Jéhovah »  31 octobre -  Charles Taze Russell est mort, au cours d’une tournée de conférences à Pampa (Texas). Il était le fondateur de la société de la « Tour de Garde », également appelée « Société des témoins de Jéhovah » qu’il créa en 1872. Il a défini dans ses écrits les articles d’un dogme que lui semblait inspirer et imposer la lecture de la Bible. Il annonçait le retour invisible de Jésus-Christ pour 1874 et prophétisait pour 1914 la fin des temps païens et une grande guerre où capitalisme et socialisme s’affronteraient. Russell pensait que cette époque chaotique serait suivie par un royaume de Dieu millénaire. Il avait sacrifié la plus grande partie de sa fortune à rendre publiques ses thèses dans des livres et des revues (« La Tour de Garde »). Son œuvre en six volumes, « Studies in the Scriptures », devait atteindre un tirage de 16 millions d’exemplaires. Il fut à l’origine d’un des mouvements religieux les plus actifs aux États-Unis et même au-delà. » Chronique du 20e siècle, année 1916, p. 214.

[45] La biographie du pasteur Charles Taze Russell fut publiée pour la première fois dans la Tour de Garde du 25 avril 1894 (édition spéciale), puis à nouveau publiée dans la Tour de garde du 15 juillet 1906. Enfin, elle fut publiée une dernière fois dans les colonnes de la Tour de Garde quelques mois avant  la mort du pasteur (Tour de Garde du 1er juin 1916).

[46]  SE, 2 Rois 2, 11-14.

[47]  SE, Matthieu 24, 45-47. Pourtant, dès 1881, Charles Russell avait écrit : « Nous croyons que chaque membre de ce corps du Christ est engagé, soit directement ou indirectement, dans cette œuvre bénie qui consiste à donner la nourriture au temps convenable à la famille de la foi. « Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable ? N’est-ce pas ce « petit troupeau » de serviteurs consacrés qui accomplissent fidèlement leur vœu de consécration- le corps du Christ – et n’est-ce pas tout le corps qui, individuellement et collectivement, dispense la nourriture au temps convenable à toute la maison de la foi, aux nombreux croyants ? Heureux ce serviteur (tout le corps du Christ), que son maître, à son arrivée (grec, elthôn), trouvera faisant ainsi ! « Je vous le dis en vérité, il l’établira sur tous ses biens. » Il héritera toutes ces choses. »  La Tour de Garde, WTPE, octobre-novembre 1881, p. 5. Ainsi, Charles Russell ne se considérait pas comme ce « serviteur fidèle et prudent » mais voyait plutôt dans ce personnage de la parabole du Christ, un groupe de chrétiens consacrés spécialement chargé d’annoncer le message évangélique.

[48]  Environ 3.000 Étudiants de la Bible se rallient au mouvement de Paul Johnson. En 1917, 21.274 personnes assistent au Mémorial, alors qu’en 1919, l’assistance est de 17.961. Les Témoins de Jéhovah dans les desseins divins, WTPE, 1959, pp. 72-73.

[49]  Les ecclésias s’étant ralliées à Paul Johnson prennent progressivement le nom de Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque. Ce nom apparaît dans une Tour de Garde (WTPE, 1er décembre 1913,  pp. 359-371) : « We trust that this noble work will go on, and that the Lord’s blessing will continue with it. We sometimes term it the “Layman’s Home Missionary Movement.”» Charles Russell désignait sous cette appellation l’œuvre consistant à développer de nouvelles classes d’étude biblique.

[50] « [Le juge Howe] déclara qu’il s’avérait nécessaire de faire un exemple de ces gens qui enseignaient sincèrement cette religion, lesquels, à l’instar des Mennonites, des Quakers (…) interdisent le port des armes. Ils s’étaient rendus coupables d’avoir poussé les hommes à suivre ce qu’ils pensaient être la doctrine du Seigneur et d’appliquer à la lettre le commandement qui stipule « Tu ne tueras point » ». New York Post, 21 juin 1918.

[51] Ce programme intitulé Verbi Dei Minister (V.D.M) (« Ministre de la Parole de Dieu ») tenait en 22 points résumant le corpus théologique dégagé par le pasteur Russell et son groupe d’étude biblique.

[52]  The Golden Age, premier numéro 1er octobre 1919. Ce périodique à fond religieux mais traitant de sujets de société change plus tard de nom pour s’appeler Consolation et aujourd’hui Réveillez-vous ! .

[53] La lumière dans les ténèbres, publié par l’association « Les Amis de l’Homme », non daté, pp.31, 32 :  « En 1916, A. Freytag est à Genève, où il dirige le bureau des Étudiants de la Bible. Tout en publiant et en faisant connaître avec zèle les quelques lumières de l’époque, il comprend qu’il faut aller très sérieusement de l’avant. Bien des années après, il nous disait : « Je voyais les choses inexactes, mais comme je ne discernais pas encore assez clairement la lumière que je pressentais, je n’avais qu’à attendre humblement le bon plaisir du Seigneur. » Dès 1917, il commence à publier dans le Journal pour Tous (l’hebdomadaire de l’œuvre) certaines pensées nouvelles attirant l’attention des lecteurs sur la nécessité d’une vie chrétienne plus active, plus spirituelle. Il s’attire de ce fait de grandes oppositions de ses amis Étudiants de la Bible, parmi lesquels la tiédeur s’accentue de plus en plus. Aussi lorsqu’au début de 1920, A. Freytag publie le « Message à Laodicée », traduisant avec clarté les paroles de l’Apocalypse 3, versets 14 à 20, il soulève par cet avertissement une tempête de protestation. (…) Dès ce moment-là, A. Freytag, sans y prétendre lui-même, se révèle clairement, et de plus en plus, comme le Serviteur fidèle et prudent annoncé par le Seigneur. »

[54] Les Témoins de Jéhovah dans les desseins divins, WTPE, 1959, p. 95 : « La Société [biblique Watch Tower] demanda aux congrégations qui désiraient participer à cette nouvelle forme de service inaugurée en 1919 de se faire inscrire. Dès réception de ces demandes, les frères du bureau central choisirent théocratiquement, dans chacune de ces congrégations, un frère pour représenter la Société dans cette fonction, et qu’on allait appeler « directeur ». Personne ne pouvait être désigné à ce poste par voie d’élection, d’année en année, à l’échelle locale. Cela signifiait que, pour la première fois, l’autorité était enlevée aux congrégations qui s’administraient démocratiquement par l’intermédiaire des « anciens électifs » [anciens élus à main levée par les membres de la congrégation], et il était clair que la direction de l’œuvre passait sous le contrôle international de la Société. Ce contrôle était limité, bien sûr, mais c’est par cette disposition que l’organisation théocratique visible commença à fonctionner. Le directeur devait agir de concert avec le groupe des aînés [le collège des anciens] élus de façon démocratique qui, pour leur part, continuaient de présider de la manière habituelle aux études de congrégation et aux conférences. »  

[55] Le premier numéro de La Tour de Garde imprimé par les Étudiants de la Bible eux-même est celui du 1er février 1920. Une imprimerie est ouverte en 1922 dans un bâtiment de cinq étages, au 18 Concord Street, à Brooklyn. Plus tard, un bâtiment de sept étages est construit 117, Adams Street, toujours à Brooklyn.

[56]  La station est inaugurée le 24 février 1924. L’installation, qui appartient la Société Watch Tower, se situe à Staten Island (New York). L’émetteur est enregistré sous le nom de WBBR. Il émettra gratuitement pendant plus de 30 ans des programmes éducatifs sur New York, le Connecticut et le New Jersey.

[57]  Annuaire 1932, WTPE, pp. 22, 23 : « (…) Nous sommes des étudiants de la Bible, mais (…) en tant que groupe de chrétiens constitués en association, nous ne consentons pas à être appelés du nom d’« Étudiants de la Bible », ou de noms semblables, comme moyen d’identification de notre position devant le Seigneur ; (…) d’autre part, notre groupement refuse de porter le nom de quelque homme que ce soit. (…) Ayant été rachetés par le sang précieux de Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur, et ayant été justifiés et engendrés par Jéhovah Dieu et appelés à son Royaume, nous proclamons, sans hésiter, notre fidélité et notre obéissance absolues à Jéhovah Dieu et à son Royaume ; que nous sommes des serviteurs de Jéhovah Dieu, chargés d’accomplir une œuvre en son nom, et que c’est  par obéissance à son commandement que nous rendons témoignage à Jésus-Christ et faisons connaître aux hommes que Jéhovah est le Dieu tout-puissant et véritable. C’est pourquoi nous adoptons et porterons dorénavant joyeusement le nom que le Seigneur Dieu nous a donné de sa propre bouche  et par lequel nous désirons  être connus et appelés, c’est-à-dire le nom de « témoins de Jéhovah ». – Esaïe 43 : 10-12 ; 62 : 2, AC [traduction de l’Abbé Crampon] ; Apocalypse 12 : 17. »     

[58]  Les Témoins de Jéhovah dans les desseins divins, WTPE, 1959, p. 127 : « Évidemment, cette mesure n’a pas rétabli complètement le fonctionnement théocratique de l’organisation de Jéhovah, telle qu’elle existait du temps des apôtres. Cette restauration complète restait encore à réaliser. »

 

 Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Les Témoins de Jéhovah : Naissance du mouvement, Focus sociologique, consulté le [date].

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