Le charisme d'évangélisation des Témoins de Jéhovah :

Un charisme reconnu

 

Les Témoins de Jéhovah se plaisent à rappeler le modèle du christianisme primitif qu’ils pensent suivre scrupuleusement. Ainsi, dans un ouvrage qu’ils publient intitulé Les Témoins de Jéhovah – Prédicateurs du Royaume de Dieu [1] totalement dédié à ce sujet, ils veulent expliquer leurs raisons de s’adonner à cette activité. Pour eux, la raison principale qui les pousse au prosélytisme est la suivante : 

 

« Jésus Christ a chargé ses disciples d’une mission qui semblait impossible à remplir. Bien que peu nombreux, ils devaient prêcher la bonne nouvelle du Royaume de Dieu sur toute la terre habitée (Mat. 24:14; Actes 1:8). Non seulement c’était une tâche colossale, mais elle devait être accomplie en dépit d’obstacles apparemment insurmontables. En effet, comme Jésus le leur a dit sans ambages, ses disciples seraient haïs et persécutés dans toutes les nations. — Mat. 24:9; Jean 15:19, 20. » [2]

 

Ils expliquent que les apôtres de Jésus étaient issus de la classe ouvrière, des pécheurs de poissons, des collecteurs d’impôts, des personnes qui n’avaient pas fait les grandes écoles. D’un autre coté, des gens comme saint Paul avait suivi de hautes études en l’occurrence avec le grand rabbin Gamaliel. Mais ils précisent que parmi les premiers prédicateurs chrétiens, il y avait peu de gens très instruits.

 

Ils font référence à l’Histoire, à Celse, philosophe romain du IIe siècle de notre ère, qui tournait en ridicule le fait que ‘des ouvriers, des cordonniers, des cultivateurs, bref, les moins instruits et les plus grossiers, soient prédicateurs de l’Évangile.’[3]

 

Les Témoins de Jéhovah assument le reproche de leur peu de bagage intellectuel pour oser se faire des porteurs de l’Évangile : « De même, plus récemment, on a reproché aux Témoins de Jéhovah d’être, pour la plupart, des gens ordinaires dont la position sociale n’en impose à personne. Parmi les premiers serviteurs de Jéhovah des temps modernes à communiquer le message du Royaume, il y eut un cordonnier, au Danemark, ainsi qu’un jardinier, en Suisse et en France. Dans de nombreux pays d’Afrique, le message a été répandu par des ouvriers saisonniers. Ce sont des marins qui l’ont introduit au Brésil. Nombre de Témoins polonais, qui vivaient dans le nord de la France, étaient des mineurs de fond. »[4]

 

Cependant, ils veulent insister sur le fait qu’ils seraient « la seule organisation religieuse au monde dont tous les membres donnent le témoignage aux non-croyants en s’efforçant de répondre à leurs questions à l’aide de la Bible, et en les incitant à exercer la foi en la Parole de Dieu. D’autres organisations religieuses reconnaissent que c’est là une responsabilité qui incombe à tous les chrétiens. Certaines ont essayé d’encourager leurs adeptes à s’en acquitter. »[5]

 

Ils croient être guidés par Dieu et par ses anges dans cette activité de prosélytisme.[6] Récemment, ils proposaient une nouvelle réflexion à ce sujet. En effet, dans les pays nantis, les Témoins de Jéhovah rencontrent une grande indifférence quand ils prêchent leur message. Il semble que cette indifférence ait fini par user beaucoup de leurs prédicateurs qui ne sont plus aussi  enclins à vouloir s’adonner à cette activité. «  On observe aujourd’hui un net recul de la croyance en Dieu et du respect pour la Bible, ce qui se traduit, dans certaines parties du monde, par une diminution du nombre des nouveaux disciples du Christ (2 Pierre 3 : 3, 4). Mais attention : cela ne veut pas dire que nos chers frères et sœurs qui prêchent fidèlement dans ces territoires peu productifs travaillent pour rien (Hébreux 6 :10)! »[7]

 

La Tour de Garde veut regonfler ses troupes : « Comment faire en sorte que notre participation à cette activité continue de porter du fruit et de nous rendre heureux, y compris dans les endroits peu productifs (Luc 8 :15) ? »[8]

 

Et les rédacteurs proposent de revoir trois aspects de la prédication jéhovéenne :

 

1.      Pourquoi les Témoins de Jéhovah prêchent-ils ?

2.      Que prêchent-ils ?

3.      Comment prêchent-ils ?

 

Réponse à la question 1 : « Nous montrons à Jéhovah que nous l’aimons, nous ne prêchons pas simplement par devoir, mais aussi par compassion ». Ils croient en effet que Dieu (Jéhovah) va bientôt (adventisme) faire le ménage sur la terre pour qu’elle devienne un paradis pour mille ans (millénarisme). Ce moment proche durant lequel Dieu va détruire les méchants et laisser la terre à ceux qui ont fait sa volonté (les Témoins de Jéhovah ?) s’appelle Harmaguédon. C’est un mot qu’on trouve expressément dans la Bible dans le livre de l’Apocalypse (Révélation). Voilà le raisonnement : C’est par amour que nous prêchons, disent-ils, amour pour Dieu qui veut sauver un maximum de personnes, amour pour les gens qui peuvent ainsi être sauvés s’ils écoutent, se repentent, se font baptiser et se joignent à leur tour à cette œuvre de sauvetage.

 

Réponse à la question 2 : « Nous prêchons la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. A notre époque, et plus particulièrement depuis 1919, les Témoins de Jéhovah imitent Jésus, ; ils proclament avec zèle la bonne nouvelle concernant le Royaume de Dieu, désormais établi, et les bienfaits que ce Royaume apportera. »

 

Réponse à la question 3 : « Et si notre message ne change pas (la bonne nouvelle du Royaume de Dieu), nos méthodes, elles, évoluent en fonction des besoins. » Ils expliquent l’importance d’être flexibles et d’avoir la délicatesse d’adapter leurs présentations à leurs interlocuteurs. C’est un changement. « Le caractère agressif envers les autres croyances qu’avait parfois jadis la prédication des témoins de Jéhovah a disparu et cet effort de propagande soutenu et habile porte beaucoup de fruits. »[9]

 

A la différence des catholiques qui ont délégués la prédication aux missions, les Témoins de Jéhovah n’ont pas confié cette activité à des organismes internes. Leur charisme d’évangélisation est reconnu. Le monde catholique, parfois dans ses plus hautes instances, loue le courage des prédicateurs jéhovéens et imite même leurs méthodes d’évangélisation.

 

Ainsi, en janvier 1997, Jean-Paul II avait envoyé dans Rome 12.500 missionnaires laïques et 2.000 sœurs « arpenter les rues, monter les escaliers des immeubles, sonner aux portes pour apporter la parole du Christ. Le Vatican a d’ailleurs fait imprimer un million d’Évangile selon saint Marc, qui permettront aux émissaires du Vatican de ne pas arriver les mains vides et d’affronter sur le terrain la dure concurrence des Témoins de Jéhovah, experts dans le « placement » de la bonne parole à domicile ».[10]

 

Philippe Barbarin, cardinal archevêque de Lyon, a fait distribuer des milliers de Bibles de poche éditées à l'occasion des fêtes du 8 décembre qui célèbrent la Vierge dorée, marraine de la ville. Les paroissiens étaient invités à les distribuer dans leur entourage et sur leur lieu de travail. L'initiative a fait grincer des dents.« Le père Max Bobichon, vieille figure de la pastorale locale, n'a pas aimé (…): « On ne peut pas distribuer le Nouveau Testament comme un journal, à la façon des Témoins de Jéhovah. » N'empêche. L'évêché a fait un triomphe. 500 000 bibles écoulées. Vous avez dit prosélytisme? « Au sens étymologique, prosélyte signifie « aller vers » », réplique Philippe Barbarin. « L’Église nous demande d'aller vers les gens et nous le faisons. Nous souhaitons simplement leur dire: « Il y a dans l’Évangile une parole de liberté; si vous en voulez, on vous la donne. C'est un cadeau. » Même les recettes des concurrents sont bonnes à prendre, lorsqu'il s'agit de « travailler pour le Christ », selon la formule de Philippe Barbarin. »[11]

 

Don Pigi Perini, curé de la paroisse Sant’Eustorgio de Milan, applique le système des « cellules paroissiales d’évangélisation ». Pour lui, « si une paroisse n’évangélise pas, elle meurt ». Et d’ajouter : « Que se passe-t-il aujourd’hui ? Vous croisez deux personnes qui parlent du christ sur le marché ou qui portent une bible sous le bras, et vous vous dites : « Tiens, des Témoins de Jéhovah ». C’est une tragédie ! nous avons honte d’être pris pour des Témoins de Jéhovah ! Nous ne parlons plus de Jésus, nous ne partageons plus Jésus, nous n’évangélisons plus ! »[12]

 

Jean Vernette, délégué de l’Épiscopat pour les questions concernant les sectes et nouveaux phénomènes religieux, reconnaît chez les Témoins de Jéhovah que« leur sincérité, leur courage, le désintéressement personnel de plusieurs d’entre eux soulèvent l’admiration. »[13]

 

Jacques de Messter pose les questions suivantes : « Aurions-nous le courage de témoigner en toutes circonstances comme le font les Témoins de Jéhovah ? Annonçons-nous encore l’Évangile ?Avons-nous approfondi notre foi ? Sommes-nous capables de répondre à nos contemporains dans le langage de leur culture ? Nos communautés sont-elles accueillantes pour tous ceux qui cherchent un sens à leur vie et un peu d’amitié ? Avons-nous mesuré l’ampleur de la crise que notre société traverse ? Savons-nous lire les signes des temps pour discerner le style de vie qu’il convient d’adopter ? Si nous entendons ces questions, les Témoins de Jéhovah n’auront pas frappé en vain à notre porte. »[14]

 

Jean Beaugendre les admire : « Le zèle des proclamateurs est stupéfiant (…). Admirable aussi leur application à l’étude de la Bible, leur vie morale individuelle et familiale et leur courage pour affronter les procès, la prison, et parfois les persécutions. »[15]

 

De simples fidèles catholiques s’expriment : « Les Témoins de Jéhovah vont de maison en maison parler de Dieu. Cependant, permettez-moi de vous dire qu’ils sont les seuls à nous en parler… […] Et moi aussi, […] les Témoins de Jéhovah[…] me rendent visite de temps en  temps et […]  j’apprécie la conversation. »[16] « De temps en temps, je vois dans mon quartier des Témoins de Jéhovah qui vont de maison en maison pour parler de la Bible…Je les trouve courageux ! »[17]

 

Enfin, pour rappeler combien la prédication domiciliaire des Témoins de Jéhovah en est venue à être considérée comme un véritable label et ce dans toutes sortes de milieux, citons une chronique littéraire qui parle d’un auteur« comme [d’]un témoin de Jéhovah de la littérature [qui fait] du porte-à-porte avec son art. »[18]

 

Le charisme n’existe que parce que des acteurs sociaux le reconnaissent’.[19] Le charisme d’évangélisation des Témoins de Jéhovah est largement reconnu et constaté.

 


[1] Les Témoins de Jéhovah – Prédicateurs du Royaume de Dieu, Chapitre 24 - Par la puissance humaine ou par l’esprit de Dieu?, Brooklyn, New-York, WBNY, 1993, pp. 547-551.

[2] Les Témoins de Jéhovah – Prédicateurs du Royaume de Dieu, Chapitre 24 - Par la puissance humaine ou par l’esprit de Dieu?, Brooklyn, New-York, WBNY, 1993, p. 547.

[3] Neander Augustus, Allgemeine Geschichte der christlichen Religion und Kirche [Histoire générale de la religion chrétienne et de l’Église].

[4] Les Témoins de Jéhovah – Prédicateurs du Royaume de Dieu, Chapitre 24 - Par la puissance humaine ou par l’esprit de Dieu?, Brooklyn, New-York, WBNY, 1993, p. 548.

[5] Les Témoins de Jéhovah – Prédicateurs du Royaume de Dieu, Chapitre 24 - Par la puissance humaine ou par l’esprit de Dieu?, Brooklyn, New-York, WBNY, 1993, p. 548.

[6] Le mot prosélytisme, qui désigne le zèle que l’on met à faire des prosélytes, est devenu très nettement péjoratif en France du fait de son utilisation par les représentants des associations anti-sectes françaises à l’encontre particulière des Témoins de Jéhovah. On note d’ailleurs d’une façon générale le mépris que ces associations ont pour les autres religions pratiquées dans le monde en détournant leur vocabulaire religieux pour en faire de quasi insultes : le mot gourou(du sanscrit guru, lourd, au sens du latin gravis), qui désigne un précepteur religieux, un instructeur, un guide spirituel chez 900 millions d’hindous, est utilisé pour désigner par ces représentants peu embarrassés par une utilisation correcte et non méprisante des mots, des ‘leaders crapuleux de secte’. Que penserait-on de responsables associatifs indiens qui utiliseraient le mot curé (du latin ecclésiastique curatus, de curare, prendre soin), un prêtre pourvu d’une cure, pour désigner des ‘leaders crapuleux de secte’ en Inde ? - Dictionnaire encyclopédique Quillet, Tome Cot.Es, Paris, Éditions Quillet, 1988, p. 1639 ; idem, Tome Et.Hel, p. 2862.

[7] La Tour de Garde, 1er juillet 2005, p. 24.

[8] Nous apportons « des bonnes nouvelles de quelque chose de meilleur »  et « Une bonne nouvelle pour des gens de toutes nations », La Tour de Garde, 1er juillet 2005, pp. 16-27.

[9] Malherbe M., Les religions de l’humanité, Les témoins de Jéhovah, Paris, Critérion, 2004, p. 167.

[10] Dominique Dunglas, Rome, le Pape fait du porte-à-porte, Le Point, n°1271, 25 janvier 1997.

[11] Claire Chartier, Monseigneur 100 000 Volts, L'Express du 08 décembre 2005.

[12] Luc Adrian, Comment réveiller nos paroisses ?, Famille chrétienne, n°1081, 1eroctobre 1998, pp.6, 7.

[13] Jean Vernette, Les Témoins de Jéhovah sont-ils chrétiens ?, La Croix, samedi 18 juillet 1998.

[14] Jacques De Meester, Les Témoins de Jéhovah nous interpellent, A l’Écoute, n°188, mars 2001, page 2.

[15] Jean Beaugendre, L’air du temps, Les Témoins de Jéhovah, La Clef du Midi, journal interparoissial, mensuel, 29e année, n°276, juin 1995.

[16] Renée Folliot, En débat La pastorale des visites, Le Pèlerin Magazine, n°6070, 2 avril 1999.

[17] J.M… (Yvelines), Le curé et les Témoins de Jéhovah, Le Pèlerin Magazine, n°6062, 5 février 1999, page 10.

[18] Marianne, Marc-Edouard Nabe, L’écrivain qui se fait manger par son journal, Magazine, Littérature, 3 au 9 avril 2000, p. 66.

[19] Dericquebourg R., Le charisme spécifique chez Max weber. Apport de cette notion à la question du lien entre le charisme et la domination, Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité, IRESCO-CNRS, 2006.

 

Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Le charisme d'évangélisation des Témoins de Jéhovah : Un charisme reconnu, Focus sociologique, consulté le [date].

visites depuis le 06/04/2014

123.287 visites cumulées

au 29/07/2023 (Recherche, Articles, English site, Centre de formation)

 

CONTACT